mercredi 30 juillet 2014

Splash!

Respirer sous l'eau, ce n'est pas retenir son souffle jusqu'au moment fatidique ou l'on remonte a la surface. Respirer sous l'eau, c'est simuler la vie dans cet espace immense autrement inaccessible. Le corps doit accepter ce non-sens qui n'est permis que par un attirail technique qui n'a rien de naturel.

Mon corps l'acceptait, mais pas ma tete.

Sitot completement immergee, je m'accrochais desesperement a mon detendeur (qui fournit l'air), comme si je n'avais jamais mis la tete sous l'eau de ma vie, comme si je n'avais jamais retenu mon souffle. Premier exercice: l'enlever et le remettre, sous l'eau. Des gestes d'une simplicite honteuse a la surface mais sous l'eau.... Ce detendeur me sauvait la vie et me la compliquait, me plongeant dans l'angoisse que mon corps me trahisse et respire avec un reflexe nerveux de l'eau salee au lieu d'expirer, comme je l'exigeais de lui. Retrouver le controle de sa respiration devrait etre facile pour une chanteuse! Pour une amatrice de yoga! C"est l'anxieuse qui prenait le dessus et qui analysait trop.

"Prends sa main. Regarde-le dans les yeux. Oublie la mer. Oublie l'eau."

Sa main m'a finalement entrainee loin de ma peur de ne pas pouvoir, de ne pas savoir, loin des exercices et des technicalites. Sa main m'a entrainee dans un univers ou je ne suis rien, avec mes craintes et mes angoisses. Ca m'a frappe: quelle absurdite de parcourir le monde et d'etre privee de cet univers grandiose, alors qu'il est juste sous mon nez! J'ai eu cette vision d'un film culte de mon enfance que j'appelais "La sirene qui prenait son bain" a cause d'une scene absolument secondaire, mais bon, c'etait la premiere fois que je voyais des images sous-marines. Je me suis sentie comme Daryl Hannah avec sa queue de poisson, et etrangement, c'est ca qui m'a calmee.

J'etais partagee entre controler mon souffle d'une part, et regarder. Regarder. Et ne pas lacher sa main, surtout pas, quelle catastrophe, je me voyais aspiree dans un trou noir - les trous noirs c'est dans l'espace - non les trous noirs c'est partout si je lache sa main.

J'avais decide de m'en remettre completement a lui et de lui preter temporairement ma vie au moment ou, paniquee, j'avais voulu remonter a la surface et qu'il m'avait pris les deux mains en me sommant de le regarder. J'avais compris que ma vie etait plus en securite entre ses mains qu'entre les miennes. J'etais ma pire ennemie ici.

Au retour, j'ai fondu en larmes. Sans trop savoir pourquoi d'ailleurs. La peur m'avait videe, j'avais honte de ne pas avoir su, tout de suite. J'ai pleure comme un bebe, dechiree entre l'urgence de reussir comme tous ces gens qui en parlent comme si c'etait d'une simplicite effarante, et l'envie de laisser tomber. Partagee entre l'air et l'eau, et la terre ferme. En rester la, perplexe et angoissee, ou y croire encore une fois au moins.

Quand finalement la tempete a passe, quand j'ai arrete d'avoir des sanglots dans la voix a la moindre allusion a mon experience sous l'eau, j'ai ressenti, sortie de nulle part, cette etrange satisfaction d'avoir essaye quelque chose de nouveau et j'ai su que je serais la le lendemain, a 8h, et que j'essaierais de nouveau.

Le lendemain, j'ai fait ses exercices. Je suis restee etrangement calme malgre tous les cauchemars que j'avais fait la nuit precedente. Je suis tombee amoureuse de la mer.

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