mercredi 15 août 2012

L'essentiel

Le titre me fait penser a une chanson de Ginette Reno. Vous allez comprendre, j'y arrive.

Le periple acheve et au moment d'ecrire ces lignes, j'ai deja fait ma derniere nuit de camping et je suis dans la grand'ville, a Pretoria, capitale administrative de l'Afrique du Sud et ville plus securitaire que "Joburg" ou je dois prendre mon avion de retour.

C'est le temps de la retrospective, de tout noter les souvenirs avant que le temps ne les efface. C'est le temps de raconter l'essentiel, ces raisons pour lesquelles on voyage dans le vrai monde et non pas seulement dans les livres. Ces details qui frappent et destabilisent, qui remettent tout en question, temporairement, trop temporairement, avant de revenir une fois pour toute dans le train-train montrealais.

C'est le temps de les ecrire ici, en esperant que cela vous donne l'envie de venir vivre vous-memes l'experience africaine.

Ce que l'Afrique est:

  • Culturellement riche et passionnante
Nous sommes de complets incultes sur les cultures africaines, et notre ignorance nous a irresistiblement nuit lors de notre sejour. Les nuances, les particularites des vetements et des maisons, les accents, les dialectes, tout cela nous a echappe, confondant tout pour une seule et unique identite, celle de l'Africain, celui qui parle une langue que l'on ne comprend pas et vivant dans une hutte en terre et en paille.

Pourtant, c'est dans la musique, langage universel, que nous avons pu saisir certains traits regionaux distinctifs. La musique entendue a la radio, ou les danses traditionnelles vues au hasard lors du periple ont su nous parler, nous ouvrir une infime fenetre sur la richesse culturelle africaine, cultures en voie d'extinction pour la plupart, avales qu'ils sont par le mode de vie occidental, beaucoup plus commode selon nos standards.

Ceci, meme en ecrivant pendant des heures, meme en etant specialiste de la question, meme en etant Tolstoi (non je suis loin d'avoir termine Guerre et Paix, tome 1), je n'arriverais pas a transmettre l'essence des traditions des tribus croisees sur la route.

  • Vaste
7500km plus tard, Pretty Dirty Bitch n'aura parcouru qu'un territoire infime du territoire africain.

Toutefois, on imaginait un territoire desertique etendu a l'ensemble de l'Afrique, un grand desert blanc, mais nous fumes surpris par la diversite des reliefs, des climats, de la faune, de la flore qui peuvent changer completement sur une distance de moins de 50 km!

Ce vaste territoire nous a rappele les infinies distances sur territoire canadien, car en Namibie la densite de population doit etre equivalente a celle du Quebec, sauf qu'eparpillee sur l'ensemble du territoire.

  • Contradictoire
Partout, c'est le meme paradoxe. Sur la route, on apercoit ces villages de maisons en terre et en paille sur plusieurs kilometres, puis a notre arrivee en ville, l'architecture est resolument occidentale. La difference campagne-ville est plus forte que partout ailleurs sur la planete il me semble.

Plus loin, on apercoit un lodge dont l'architecture est calquee sur celle des villages... aires ouvertes, structures en bois, toit en paille, artisanat local mais luxe infini, le faste et l'opulence, l'homme blanc y est roi et est pret a payer 300 euros la nuit pour dormir sous le toit de paille.

On y voit en plein desert des piscines creusees, des toilettes absolument impeccables.

Le touriste a apporte sa maison en Afrique, sa cuisine, son mode de vie, car il est pret a decouvrir le monde, mais pas a n'importe quel prix. Pas au prix de son confort, ca non.

  • Fondamentalement raciste
Le Blanc ordonne, le Noir obeit. Ce paradigme datant de l'epoque coloniale semble etre toujours tres actuel... dans le tourisme, par exemple. Nous sommes recus comme chez nous et les traits culturels africains acceptes sont ceux qui nous apportent un certain plaisir... la deco, par exemple.

Il existe toujours une division, des endroits frequentes par les Blancs, d'autres frequentes par les Noirs, les Blancs ont peur des Noirs, les Noirs se mefient des Blancs, les accusent de tous les maux.

En dehors du Botswana qui investit plus massivement en education qu'ailleurs (meme que l'Afrique du Sud), il semble que ce constat est la pour rester, car l'education devrait etre l'une des cles, selon moi, pour eliminer ces differences et ces incomprehensions mutuelles.



Ce que l'Afrique n'est pas:

  • Pressee
 La notion du temps est autre et il faut s'armer de patience....... parce..... que....... ils...... sont...... pas..... presses.

Il m'est meme venu a l'esprit a quelques reprises, devant l'air beat de certains employes lorsque je m'adressais a eux "Mais il est completement idiot ou quoi??"

Ca fait partie du deal. Ils sont pas presses. La barriere linguistique y est certainement pour quelque chose, l'absence de structure educative accessible n'aidant en rien. L"anglais est la 2e, la 3e langue de certaines personnes et il est parfois ardu de se faire comprendre.

Par contre, apres avoir echoue a me rappeler seulement du mot "bonjour" en setswana alors qu'on me lk'a enseigne genre 5 fois, je me suis mise a comprendre que ce n'etait pas une question d'intelligence!

Donc on prend notre mal en patience, on explique encore et encore, on se fait repondre quand ca leur adonne et on se rappelle qu'on est chanceux de pouvoir visiter leur pays, car le contraire ne serait pas possible!

L'experience des douanes.... est un souvenir penible qu'il vaut mieux eviter pour pas que je gache ma journee!

  • Une cure de rajeunissemment
 Le sable sur la peau, dans les cheveux, dans la soupe, dans les pates, dans l'eau, l'odeur du sable dans la douche, le sable sous les ongles, le sable dans les souliers, les pieds noirs de sable, l'eau qui coule brune quand on se lave les mains, le sable, le sable, ce partenaire de voyage inoubliable!

Le sable vous vieillit la peau en un clin d'oeil, le sable + le soleil et vous gagnez 20 ans d'age! Des mains noires en permanence, c'est le prix de faire du camping aussi longtemps et de faire la bouffe avec un bruleur qui carbure a l'essence!

Les douches quotidiennes sont tranquillement devenues facultatives, puis un luxe quand je me suis retrouvee seule! Pour ce qui est des vetements propres... eh bien mes jeans marchent tout seuls et sont tout pres de demander a avoir leur propre identite pour participer au prochain recensement. Ils vont prendre le chemin de la poubelle au retour, apres un longue vie de voyages de toutes sortes! (7 ans de loyaux services, ce n'est pas rien!!)

Hier, pour la premiere fois en 27 ans, pour feter la derniere nuit de camping d'une longue serie, je me suis pointee dans un centre de beaute pour recevoir mon premier facial a vie. Et j'ai pris le kit complet: facial super complet, exfoliation des mains et des pieds, traitement a la boue, massage et aromatherapie. Mon budget beaute d'un an y a passe, mais ca a valu la peine alors que j'en vois un seul me juger!

  • Silencieuse
J'ai parle du silence. Le silence des hommes. Mais le silence de la nature, lui, n'existe pas. Le vent dans les branches, les plaintes de l'hippopotame qui ressemblent etrangement a un rire de sorcieres et qui resonnent toute la nuit, le coq, pres des villes, qui se met a crier des qu'il pressent qu'un moment donne peut-etre ca va etre le matin, et les oiseaux qui suivent, qui nous font tout un concert, immanquablement, chaque matin, ou que nous soyons.

Le silence de la nature est bien souvent de mauvais augure, il precede l'attaque d'un predateur et les animaux s'en mefient. Rares sont ceux, chez les humains, qui supportent le silence complet tres longtemps. Il en est de meme chez les animaux.

Les bruits, les sons, ils sont faciles a oublier... particulierement ceux de la nature, qui se cachent si bien derriere l'activite humaine. Son silence est rare mais magnifique. C'est l'un des secrets les mieux gardes sur la Terre... il ne faut que savoir ecouter.

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Je reste avec 3 gars, de jeunes ingenieurs, dans un mignon appartement en banlieue de Pretoria. J'ai quelques projets pour les prochains jours, dont celui de faire du pate chinois pour mes hotes qui s'en regaleront j'en suis certaine, en grands carnivores qu'ils sont.

Je retourne Dirty Bitch demain et je peux vous dire que j'ai le coeur gros... Personne ne sait autant qu'Alex, Rafaella et moi-meme a quel point la Sonic de Chevrolet est une bonne voiture, endurante, stable et solide. Elle devra encore supporter mes frasques de conductrice debutante de transmission manuelle qui doivent certainement lui nuire, mais elle est capable d'en prendre, notre auto!

D'autres nouvelles dans quelques jours!

mercredi 8 août 2012

Wild Wild Africa



Apres une experience plus ou moins agreable aux douanes du Zimbabwe et la visite des chutes Victoria, Alex a finalement pris son vol de retour et j’ai repris la route en direction du Botswana. J’ai divise le parcours en troncon de conduite d’environ 300 a 400km par jour au maximum, histoire de ne pas passer tout mon temps sur la route et de me rendre a Pretoria dans les temps.

Premier arret a Nata, ville qui devrait etre qualifiee de village, et meme de “rue”, simplement, dont la principale attraction est un immense desert de sel.

Vous vous mourrez d'envie de savoir mon impression sur le desert de sel, non? Eh bien j’en ai pas la moindre idée, etant donne que je n’ai jamais reussi a trouver l’entree pour s’y rendre, la receptionniste du camping etant trop aidante et attentionnee pour la ligue (not).  J’ai senti la-bas un serieux mal du pays, et vraiment j’envisageais la suite a la limite comme mon arret de mort. L’equation est simple: douane du Zimbabwe qui te suce tout ton cash + 2 heures d’attente aux douanes du Botswana + amoureux qui part + desert de sel introuvable + receptionniste bête comme ses pieds + ATM tous vides =  mort assuree, c’est bien connu!

Le soir, j’ai appele mon couchsurfeur de Maun, l’arret suivant, pour organiser mon arrivee chez lui le lendemain. Et soudainement, juste d’entendre sa voix enjouee et confiante, ca m’a fait du bien, ca m'a calmee et j’ai repris confiance que je survivrais a l’aventure. J’etais donc au volant de Dirty Bitch le lendemain a 8h, petit the en main, toujours vetue de mon pyjama, prete a parcourir les 400km qui me separaient de Maun, ville dont le principal interet est son acces au delta de la riviere Okavango, un milieu humide extraordinaire a la faune extremement riche.

Les indications sont plus ou moins faciles a suivre en Afrique. Le trajet vers la maison de Robert (mon couchsurfeur) qu’il decrivait comme extremement facile, s’est avere etre un periple en soi, mais je suis finalement arrivee dans sa charmante petite maison. Le courant a immediatement passé entre nous et je m’y suis sentie instantanement comme chez moi. Son cote tres multiethnique (il est ne en Tanzanie, a grandi en Angleterre, puis est demenage au Botswana apres ses etudes pour y partir sa propre agence de voyage specialisee dans les safaris. Il parle anglais, mais egalement francais - tres bien -, italien et setswana, la langue locale) m'a plu immediatement, et c'etait comme si je me retrouvais dans la maison d'un ami de longue date. Le soir, mon hote m’a invite a voir le talent show du village qui a lieu a tous les 2 ans et nous avons passé la soiree au bar ou se tenait l'evenement. 

Maun y a definitivement gagne son titre de “drinking town with a safari problem”.

Le talent show

Ce spectacle auquel participait les gens du village ne me disait absolument rien au debut pour la simple raison que je ne connais personne ici. Mais plus la soiree avancait, et plus des numeros completement fous defilaient.

Nous avons eu droit a une performance absolument hilarante de ballet en tutu rose par les pilotes d’helicopteres et d’avion de la region, dont les visages serieux semblaient dire, devant le public en delire:  “ben qu’est-ce que vous avez a rire? On a tellement travaille fort!” Puis,  une parodie de The Sound of Music, ou les differents personnages du film s’etaient transformes en bavarois douteux et en sadomasochiste bedonnant au corsage debordant. (Un beau monsieur tout en chair et en pilosite campait le personnage, evidemment).

J’etais absolument morte de rire. La soiree qui a suivi a donne lieu a des discussions bien interessantes  et ma qualite d’etrangere a la ville m’a bien aidee a tisser des liens. J’ai appris une quantite de choses sur les lions, sur les villages botswanais, sur les effets de la crise economique dans la region, sur les mines de diamants, et sur j'ai pu faire une etude sociologique sur les comportements masculins/feminins dans les bars.

En effet, moi qui est habituée a veiller seule a ma propre securite lorsque je voyage (sans offense mon amour, mais je suis un peu plus epeurante que toi ;) ), j’ai realise au fil de la soiree que le nombre de mes “protecteurs”, qui semblaient toujours veiller au grain et repousser les indesirables qui m’entouraient, augmentait. Cela a donne lieu a certains malentendus et m’ont fait comprendre un cote plus obscur de la vie en Afrique, et meme au Botswana qui a la reputation d’etre tres securitaire pour les femmes.

Ce cote plus humain du voyage m’avait enormement manqué, et j’ai realise que c’est exactement ce genre de soiree que je recherche a chaque voyage, ce type de rencontres absolument inspirantes. J’ai passé de longues minutes a observer les gens interagir entre eux, a tenter de comprendre, parfois vainement, l’accent afrikaans de certaines personnes, a tenter de dechiffrer ces liens invisibles qui unissaient la communaute multiculturelle de Maun de facon si forte, et qui m’a pris sous son aile de facon quasi-instantanee. Nous avons cette fois ferme le pub a une heure decente (a 3h, et non pas a 11h comme a Swakopmund) et je me suis finalement couchee a l’heure ou normalement je me leve depuis un mois, au lever du soleil.

Aujourd'hui, c'est journee de repos, parce que demain, je pars possiblement en safari dans le delta (c'est encore a reserver). Cela ne durera que 24h, mais ce sera une excursion en canoe! (ben en genre de canoe africain). Il semblerait que le delta est la plus grande attraction du Botswana alors je me gate!






jeudi 2 août 2012

Chasseurs de tete


Lever du rideau.

Premier acte.

Un troupeau de zebres s'approche de l'etang. Ils sont une cinquantaine, divise en deux groupes. Un qui s'avance, et l'autre qui demeure a l'arriere. C'est le coucher du soleil et la fraicheur du soir enveloppe enfin la savane. Au loin, on voit d'etranges silhouettes se dessiner et il est encore difficile de savoir ce que les prochaines scenes nous reservent.

Apres avoir bu de l'eau et s'etre trempe les sabots dans l'etang, le troupeau de zebres s'ecarte et laisse passer le deuxieme. Il y a des bebes, a l'imposante criniere et aux grands yeux naifs. On voit enfin arriver les gnous.

Meme scenario. Ils laissent les animaux devant eux terminer avant de s'avancer.

Puis, le clou du spectacle. A l'horizon on voit de long cous effiles qui semblent venir vers nous. Des giraaaaaaafes.

La girafe est definitivement le plus cool animal de la planete.

Elle prend un temps fou a evaluer les environs de l'etang. On attend impatiemment le moment ou elle va enfin boire, mais on est vulnerables en buvant, quand on est une girafe!

Finalement, apres s'etre bien assuree qu'aucun animal n'etait dans les environs, elle ecarte laborieusement ses pattes de devant et penche son cou..... et Raf et moi on rit, on rit on meeeeurt de rire. On s'en etouffe presque a force de retenir nos eclats de rire, pcq cela jurerait tellement avec le silence environnant, et chasserait definitivement notre girafe.

Mais voir boire une girafe est imbattable. Enfin, voir un bebe girafe boire doit vraiment l'etre. Heureusement pour tout le monde, on n'a pas eu la chance de voir ca.

Sont passes a l'etang en notre presence: une hyene, des chacals, des gnous, des springboks, des gemsboks (des antilopes), des rhinos, des petites poules noires qui courent partout, et tatatatatta un gigantesque troupeau d'elephants. Ils devaient etre 50. Avec des bebes, des ados, des mamans, des papas. Ge-ni-al.

Nous n'avons plus notre pareil pour identifier les animaux que nous voyons. Alex veut desormais se faire appeler Rhino-Alex, et moi j'ai vraiment decide que la girafe etait mon animal prefere.

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Nous avons perdu une mousquetaire! En fait, definitivement cette fois. Nous l'avions deja perdu temporairement, pendant 2-3 jours en raison d'une insolation du a "Namibie-je-ne-boirai-pas-de-ton-eau" double d'une mauvaise grippe, mais cette fois, Raffaela, notre Autrichienne preferee, est retournee a Cape town puis passera les 2 prochains mois en Autriche.

Pretty dirty bitch a parcouru pres de 5000 km en sa presence, ce n'est pas rien!

Nous retiendrons plusieurs moments marquants partages avec elle. Par exemple:

  • Endurer les commentaires antisemites, sexistes, racistes, bref inappropries et discriminatoires de notre couchsurfer de Luderitz, dans le sud de la Namibie.
  • Admirer des peintures millenaires sur le roc dans la region du Spitzkoppe.
  • Secourir un 4x4 en detresse avec PDB qui s'en est tiree comme une championne.
  • Fermer un pub allemand a 22h un samedi soir, pcq le samedi est la journee la plus tranquille pour sortir en Namibie.
  • Faire du pouce sur 90km pour secourir PDB qui etait en detresse dans le milieu du desert.
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Groupe, pour les photos, il va falloir attendre la fin du voyage. Alex est la a cote a me regarder ecrire en tentant vainement de camoufler son impatience, et les ordinateurs avec connection internet sont vraiment difficiles a trouver. Le taux de penetration d'internet en Afrique que je connaissais deja me saute finalement en pleine face, et je peux passer une semaine sans voir l'ombre d'un ordinateur. On reste dans des campings et c'est un peu la rancon de la gloire de vivre une vie sauvage pendant 6 semaines.

On prend par contre beaucoup de photos et on a tres hate de vous montrer les bebes elephants.

Nous sommes rendus dans le nord du pays. Ici, c'est vraiment l'Afrique. Si on avait encore l'impression d'avoir ete dans des endroits marques par la colonisation, le nord de la Namibie est beaucoup plus traditionnelle avec ses villages de petites maisons en bois et en paille. Nous nous rendrons bientot aux chutes Victoria, et ce sera la fin du voyage pour Alex.

J'aurai ensuite 10 jours pour parcourir 2000km du nord du Botswana a Johannesburg, mon dernier arret.

Pretty Dirty Bitch tiendra le coup. En tout cas, j'espere.