dimanche 23 mai 2010

Miltenberg, mon amour


Un quart de siècle plus tard.

Je soupçonne les oiseaux de chanter plus fort à Miltenberg que nulle part ailleurs. Véritable vacarme, c'est comme si on avait assis sur chaque branche des arbres un minuscule soprano prêt à vous déballer en boucle son récital du dimanche. La région est creusée de vallons, les collines verdoyantes se teintent par moment de fleurs dont la couleur s'essoufle alors que le printemps avance... au loin le soleil est sur le point de s'épancher sur l'horizon, teintant de rouge les quelques rares nuages brièvement ensanglantés, mourant anonymement alors que l'obscurité prend la place qui lui revient.

Franconie, tu me manqueras.

Mon 25e anniversaire, je l'aurai passé à te savourer tranquillement d'ici, les yeux perdu dans ton ciel parfaitement bleu, dans les souvenirs de Glühwein, de cuillère miltenbergeoises et de cuisine collective... Papa et Maman en arrière-plan se bousculent dans la cuisine pour préparer le thé et servir le Rotweinkuchen à mes rares invités, dont mon élève turc qui est arrivé les bras chargé du premier gâteau qu'il ait fait seul de sa vie. Immenses portes vitrées, toits en pente où les têtes se frappent irrémédiablement, soirées solitaires, enveloppée comme je l'étais dans une épaisse couverture sur le balcon, innombrables currys ou recettes manquées, désagréable facture d'électricité, je n'arrive pas à croire que je quitte après tout ce temps pour n'y plus jamais revenir.

Quitter le Poigerstraße 16 c'est un peu accepter l'évidence qu'il existe une vie après l'Allemagne. Je l'avais planifiée déjà alors qu'elle semblait loin, maintenant que je suis à la veille de l'entamer je n'y crois pas une seconde, je ferme les yeux une autre fois... je pense aux volcans de l'Islande et à Nabuchodonosor, aux Alpes suisses, aux canaux de Venise, aux sopranos dans les arbres et à la Bratwurst, à la vie qui me réserve bien plus encore que ce qu'elle m'a généreusement donné jusqu'à présent, je n'arrive pas à y croire, ma vie à moi commence, vraiment? J'ai eu 25 vies différentes dans les 25 dernières années, comment est-ce possible qu'elle me réserve davantage de surprises alors que j'en ai eu mon lot déjà.. non? C'est ça qui est merveilleux finalement: la vie, on en fait vraiment ce qu'on veut et elle a un potentiel illimité.

mercredi 19 mai 2010

Paillettes et boule de gomme

...aaah la Côte d'Azur, le soleil, le ciel bleu, les scooters, les goélans, la meeeer...

(je pourrais arrêter maintenant pour vous faire pâmer d'envie)

Bon. Objectivité. Je dis pas ça du tout parce que le temps me paraît trop moche maintenant que je suis revenue en Allemagne, la tête dans d'épais nuages qui menacent d'exploser à tout moment. Je ne vais pas faire une tirade sur la température tout de même, mais sachez qu'en dehors de ce court périple au paradis des paradis touristiques, j'ai eu les deux pieds dans l'eau (de pluie) depuis le début du mois de mai. C'est fait.

Câââââânnes. Quelques faits pour se mettre en appétit.

  • Public cible: contrairement à ce que vous croyez peut-être, Cannes attire essentiellement, durant le festival une horde de touristes qui n'a rien à voir avec le milieu du cinéma. En fait, bien qu'on réquisitionne tous les cinémas de la ville afin de présenter des films qui sont sur le point de sortir, l'écrasante majorité des gens n'en verra même pas un seul! Facture: la passe pour voir les petits films présentés dans les cinémas secondaires, hors-compétition, coûte 300 euros pour toute la durée du festival, qui est pris en charge par les entreprises. Le 95% des gens qui ne "travaillent" pas (grosse job sale de voir 3 films par jour) vaquent à leurs passionnantes occupations: monter dans des échelles dans l'espoir de voir les stars monter le tapis rouge (pour les films en compétition officielle), jouer aux groupies, prendre des mojitos à 10 euros le verre, aller à la plage. Selon les dires de mon coiffeur niçois, certaines filles attendent toute l'année le festival dans le seul but de se montrer dans leurs plus beaux atours (mini-mini-robes à paillettes, style) dans l'espoir d'attirer le regard de Brad ou que sais-je.
  • Parlons-en des coûts moyens s'il vous prend l'envie d'aller là-bas en vacances à la mi-mai: les hôtels triplent leur prix, donc une chambre à 50 euros la nuit coûte normalement 150 euros si les propriétaires sont honnêtes, mais ça peut monter à 450 euros... Il faut réserver un an à l'avance. Si vous êtes plus du style dernière minute, vous pouvez louer l'appartement d'un des Cannois qui louent le leur contre la modique somme de 1500 euros par semaine pendant qu'eux vont rester chez des amis!
  • Les voitures style Porsche, Lamborghini, Ferrari et autres et les vêtements haute couture deviennent votre meilleure arme dans cet orgie de richesses et de Very Important People, sous peine de vous faire regarder tellement croche. .... Vraiment? Je suis arrivée à Cannes avec mes ballerines à 5 euros ayant trop souffert de leur séjour dans la pluie à Augsburg, toutes éventrées qu'elles étaient au devant, et je n'ai senti de regard désapprobateur de personne... parce que tout le monde est trop occupé à se regarder le nombril et à se la péter en vous fonçant dessus avec leur gros char! Alors être bien habillé est de mise à Cannes?? Ben non! :D
  • Parlons des films en compétition et de la raison pourquoi j'ai eu ces billets de cinéma que certains Non Important Person (okok j'arrête) sont prêts à acheter pour 300 euros (c'est quand même juste pour aller voir un film en primeur tsé). À mon séjour à Nice à Noël, Valoche, ex-coloc à Munich et amie, m'a présenté un de ses copains, Benjamin, qui vit à Cannes et avec qui j'ai passé quelques soirées. Ses parents ont un hôtel. Tous les hôteliers ont droit, à chaque année, à deux billets pour le film en compétition de leur choix. Attention: c'est sur invitation seulement, ce n'est pas achetable, même si t'es très riche. Ils doivent quand même se battre pour les obtenir et doivent s'y prendre jusqu'à 6 mois à l'avance. En tant qu'opportuniste de première, quand Benjamin m'a dit tout ça, je me suis enthousiasmée... et voilà. ;) Il m'a fait la promesse qu'il m'amènerait au festival de Cannes et il a tenu parole, et moi je suis une femme comblée, en plus d'avoir passé un très bon séjour en sa compagnie et avec Audrey-Anne à Nice, une copine d'enfance. Je lui avais dit que s'il y avait un film de Pedro Almodovar ou avec Gael Garcia Bernal, j'étais prenante! Eh bien, Gael y était mais seulement en tant que spectateur, c'est Javier Bardem qui tenait le rôle principal et c'était Inarritu (Amores perros, Babel) le réalisateur. Biutiful: traumatisant, génial, troublant, excellent. Ce sera à voir (et je parie que ce sera la Palme d'or).
  • Alors oui, j'ai monté le fameux escalier en robe de soirée trop décolletée pour être légale mais tellement de mise à Cannes.

Mention spéciale à mes quatre hôtes de la dernière semaine. À Augsburg j'ai été reçue "à la russe" par un adorable Québécois, Maxime, avec qui j'ai eu de passionnantes conversations, puis à Nice chez Audrey-Anne, devenue metteure en scène, danseuse (moderne, tsé) et aussi éclairagiste. C'est sous le ciel azur qu'on s'est retrouvées changées, évoluées... mais plus ça change plus c'est pareil. Je l'aime. Puis c'est la famille de Benjamin qui m'a pris en charge, sa soeur puis sa tante (de 30 ans quand même, alors que lui en a 27!)

Tout ça pour dire que je suis revenue les deux pieds dans la flotte dans mon très jet-set Miltenberg, que je suis complètement débordée vu que je "déménage" mardi prochain, que je me suis fait organiser mon horaire par tout le monde et que je sens déjà monter le stress (un mot qui avait disparu de mon vocabulaire). Dernière journée aujourd'hui à la Realschule où on a fait mon éloge (ben oui... mes collègues avaient de la misère à m'adresser la parole durant l'année et ils ont jugé que c'était là le temps de venir me voir pour me dire qu'ils auraient aimé ça prendre un p'tit café... Ah Miltenberg!) et puis demain Gymnasium, puis après demain, Maman et Papa font leur arrivée!! J'ai hâte de les revoir, après 1 an!

Ne vous inquiétez pas, j'aurai encore quelques aventures à raconter avant mon retour prévu le 15 juin (qui vient trop vite... et trop lentement à la fois... les hommes les hommes!)



vendredi 7 mai 2010

Par delà les nuages


Cessons de me rappeler qu'il reste peu de temps. ;) (lire: cesse-je de me rappeler à moi-même qu'il reste peu de temps.)

Aujourd'hui, le temps maussade est parfait pour écrire une entrée de blog. La pluie tambourine le toit depuis une semaine... Chanceuse que je suis, j'avais un invité à la maison pour 5 jours, un jeune homme surmotivé comme il en existe peu, parcourant l'Europe et le Proche-Orient en un temps digne du "tour du monde en 80 jours". En une année ici, je n'aurai pas su faire mieux!! Il s'est joint à moi dans ma routine miltenbergeoise un peu ennuyante mais a semblé toutefois y trouver son compte, entre les dégustations de bières en compagnie de mes jeunes de 11e, les épisodes de Southpark sur mon balcon et les séances de "tentons-de-voir-l'avenir-quand-on-vivra-au-brésil-ou-au-vietnam-ou-à-istanbul".

D'ailleurs, un sujet redondant qui est revenu souvent dans nos conversations: l'Ukraine. Pour des raisons légèrement différentes, soit, mais bon les deux parce qu'on aime vraiment les Ukrainiennes. ;) Je crois tout de même que nous sommes les Québécois les plus pro-ukrainiens du monde. Justement, j'ai reçu à l'instant un message venant d'une copine ukrainienne qui vit à Kiev, m'exposant un peu la situation... Quand je suis allée à Kiev, le nouveau gouvernement pro-russe venait juste de se faire élire. Il est difficile de trouver de l'information impartiale dans les journaux ukrainiens écrits en anglais, car on admettra rarement ouvertement que la culture ukrainienne soit en danger. J'avais donc demandé à Ira de m'expliquer un peu ce qui se passait, de leur point de vue à eux. Voici donc sa réponse:

The situation in Ukraine is very sad. From the point of view of not even a Ukrainian but a Global person, I think it’s terrible and against Human Rights what is happening now in Ukraine, in Russian Federation and in many other countries. I often recollect your explanation to one of your student in Canada why Hitler can’t be a hero, and it’s very sad that here in Ukraine and in many other countries we are lacking people who have an active position for such things. And we know how easy a bad government can destroy the whole country. In two months, with our new president : the biggest industries were sold to oligarchs from Russian Federation, in Crimea, people now want to be part of Russia, one of the minister said that he is a pity that during the Soviet time the whole west part of Ukraine was not sent to Siberia. Tomorrow we will have this stupid celebration of day of Victory. Millions of people died in this war and - what is sad - for nothing, for another imperia of Stalin, who actually was collaborating with Hitler who was so stupid that he refused to believe that war against of Soviet Union was started. Instead of a day for honouring the millions of killed in the war, we will have a military parade. In Kyiv, as special guests, will come Russian army and soldiers who are still involved in a war in Chechnya and kill thousands of people. Just crazy. People don’t learn anything from their own history.

Dernièrement, j'avais suivi le dossier avec intérêt dans les médias allemands, avant de tomber sur un ou deux articles sur radio-canada.ca. Malheureusement pour ma santé mentale, j'ai eu le très mauvais réflexe de lire les commentaires qui suivaient l'article sur l'entente autorisant le maintien d'une flotte russe en Crimée, qui m'ont, comme à chaque fois, consternée par l'ignorance crasse de certains individus.


Autrement, quelques faits divers:

  • Frülingsfest à Munich la semaine dernière: un Oktoberfest en mini et un peu moins cher, beaucoup de fun et de bonnes chansons allemandes.
  • Tour de la brasserie Faust qui était prévue il y a un mois et qui avait été remise à plus tard, donc cette semaine. J'ai fait une Allemande de moi et j'ai terminé la visite avec le hoquet. une pinte de Dunkel Weizenbier à la main. Vous avez rarement vu plus chic.
  • Le volcan islandais au nom imprononçable semble faire encore des siennes. L'Allemagne et la Suisse sont en train de discuter la possibilité de fermer l'espace aérien dès demain... le Portugal et l'Espagne, c'est déjà fait. Je croise les doigts pour que ce soit réglé vendredi prochain vu que je m'envolerai pour Cannes. Faisons de la pression pour qu'ils leur mettent un bouchon aux maudits volcans-empêcheurs-de-virer-en-rond. J'ai une belle robe noire que je veux pouvoir mettre une fois dans ma vie. De plus, plusieurs vols importants sont prévus dans les prochaines semaines. À savoir: le vol de mes parents. Le vol de retour de mes parents. Mon vol de retour. Compris?