mardi 27 juillet 2010

Por eso me quedo


Il se tenait droit, le sourire fendu aux oreilles, un bouquet de lys à la main - pour la thématique- au milieu du brouhaha de l'aéroport, des départs et des retours et de centaines de gens qui transitent par là pour toutes ces raisons qu'on ne connaîtrait jamais. Il avait parcouru ces kilomètres un peu par solidarité, parce qu'on devait se rencontrer à mi-chemin entre Québec et Zürich, ce mi-chemin étant l'aéroport de Montréal. Ses yeux me fixaient avec assurance, anticipant la fatigue accumulée des dernières heures et aussi la tristesse d'avoir perdu le petit être poilu le plus important du monde entier, mort de sa belle mort à 15 ans, deux jours auparavant.

J'étais là, sans trop comprendre ce qui se passait, alors qu'au matin je déjeunais en allemand avec la grand-maman de Markus.

Un constat: j'ai tout ce qu'en Allemagne je n'avais pas. Des amis. L'amour. Une famille.

Cependant, ici, je n'ai rien de ce que j'avais en Allemagne. Un logement. Des meubles. Un emploi. Et pourtant, je m'en fous.




Tout le monde a déjà secrètement souhaité tout reprendre à zéro.

Un an plus tard.

Je cherche un emploi dans nouveau domaine d'enseignement, avec une clientèle nouvelle. Dans une nouvelle ville. Nouvel appart avec de nouveaux colocs. Nouvelle chambre hippie avec seul un matelas au sol et des boîtes servant pour le moment de tables de nuit. Nouveau vélo. Nouvelle vie sociale. Nouvelle routine qui se construit lentement dans cette ville que j'ai délibérément choisie, sous le regard de celui qui ne m'a plus quitté depuis le bouquet de lys.

Aller-retours Québec/Montréal. Lui, il me manque à chaque seconde car j'ai l'impression qu'il arrive à se tenir bien droit au milieu de ma vie qui se place et se déplace encore autour de nous, sans jamais basculer, sans jamais s'inquiéter, brillant d'une confiance sans faille en nous, alors qu'il y a si peu de temps j'étais sur un autre continent, seule, sachant que je devrais tout refaire à mon retour, avec ou sans lui. J'ai espoir mais pour l'instant je flotte entre les possibles, j'attends de voir la terre ferme au loin et je tiens le mât.

Les étapes jalonnant le retour sont les mêmes à chaque fois, peu importe les événements. Après l'enthousiasme, il y a un peu de nostalgie, le sentiment de s'être perdu en cours de route tout compte fait, même le désir de repartir. Heureuse nouvelle que ce ne soit pas le cas pour moi, cette fois, parce que le désir de bâtir durablement ma vie ici est trop forte. Je veux seulement des meubles. Un emploi. Être amoureuse sans tambours ni trompettes, parce que c'était génial d'être seule dans les quatre dernières années, mais que le 3 mai 2010 à 12h33, c'est devenu incontournable d'être deux.