mardi 27 avril 2010

Saudade


Un ami m'avait dit un jour dans un élan de "critiques" (j'appelle cela "critique", positive ou négative, bon ça dépend du point de vue) que je vivais ma vie par chapitres. Que j'étais une fille de débuts et de fins perpétuels, comme si l'idée de continuité était absolument incompatible avec ma personnalité ou mes objectifs de vie... Pas tort le Nico.

Je réfléchis beaucoup à ces mots d'esprit depuis quelques temps. Mes amis me demandent quand je reviens. Mes collègues me demandent quand je pars. Mes parents se préparent à faire leur valise en vue de parcourir la Bavière à dos de DB. C'est le début de l'été, les journées sont longues et j'ai transféré mon salon/salle à manger sur le balcon. Je fais mon nid. C'est une véritable serre l'après-midi! Je fais le point. Je pense au retour. Maintenant qu'il est imminent, mon mal du pays du départ semble devenir un mal du retour, comme si ma vie ici me satisfaisait vraiment finalement et que l'éventualité de tout devoir recommencer me foutait la trouille.

Kundera encore une fois posera les mots exacts sur mes incertitudes en parlant du lien existant entre nostalgie et ignorance.

"The Greek word for return is nostos. Algos means "suffering". So nostalgia is the suffering caused by an unappeased yearning to return. (...) Often it means only the sadness caused by the impossibility of returning to one's country: a longing for country, for home. What in English is called "homesickness". Or in german "Heimweh". In Dutch: "heimwee". (...) In Spanish "añoranza" comes from the verb "añorar" (to feel nostalgia) which comes from the catalan "enyorar", itself derived from the Latin word "ignorare" (to be unaware of, not know, not experience; to lack or miss). In that etymological light nostalgia seems something like the pain of ignorance, of not knowing. You are far away, and I don't know what has become of you. My country is far away, and I don't know what is happening there."

Ce rapprochement entre l'ignorance et le mal du pays me plaît. C'est justement de l'ignorance, ne pas savoir, dans ce cas, ce qui m'attend au retour. Ce thème du retour après une longue absence a souvent été abordé dans la littérature... rappelez-vous aussi de la chanson Volver, ce tango de Carlos Gardel dont j'avais publié les paroles ici-même:

Je devine le clignement
des lumières qui au loin
vont jalonnant mon retour;
ce sont les mêmes qui éclairaient
de ses pâles reflets
les heures profondes de la douleur.

Et malgré moi de retour,
au premier amour on revient toujours.
La calme rue où l'écho t'a dit:
"à toi sa vie, à toi sa dévotion"
sous le regard moqueur des étoiles
qui impassibles me voient revenir.
J'ignore où je veux en venir. Je veux parler du retour, simplement. Pour mieux comprendre ce sentiment si étrange qui nous accompagne sur le chemin de la Maison... Peur, extase. Douleur, joie. Un sentiment de perte de ce qui est laissé derrière mêlé à l'enthousiasme de retrouver les nôtres. Oui, l'idée de perte est mêlée à celle des retrouvailles. Les retrouvailles seront sublimes, évidemment. Alfred de Musset a dit: Le retour fait aimer l'adieu. Toutefois, après un temps, la vie reprend son bonhomme de chemin et vous aussi devez avancer et retrouver vos repères. Il faut se créer d'autres souvenirs, parce qu'avoir deux vies parallèles à 10 000 km de distance, c'est impossible.

Pour vous dire quoi, mes amis? Eh bien, rien. Que la vie continue. Que mon séjour allemand tire à sa fin. Que j'anticipe un peu. Que je me sens ici complètement déconnectée du monde et que m'y reconnecter me fait peur. Que je sais que mes amis assistants vivront la même chose que moi et puis bon... je sais que certains me lisent et j'espère qu'on se retrouvera quelque part tous ensemble pour se créer une petite bulle d'Allemagne le temps d'une soirée, comme si l'Allemagne était une secte, l'allemand un code secret, et qu'il fallait faire partie des initiés pour savoir. Pff. C'est super snob cette façon de pensée, mais en quelque part au fond de moi, ça me fait du bien.

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Petit update: Charlie est immortelle. Elle a trouvé elle-même un poison que le propriétaire m'a donné et que je refusais de lui donner maintenant vu que c'est super chimique et elle s'en nourrit depuis une semaine. C'est une super souris ninja turtles!


dimanche 18 avril 2010

À la suisse


Ce que Markus n'aime pas:


  • L'Allemagne, les Allemands, l'accent allemand en allemand.

Chaque fois qu'il disait à ses potes qu'il passerait la fin de semaine en Allemagne, on lui répondait: "WTF qu'est-ce que tu vas faire là-bas??" Rendu à Miltenberg, il a voulu demander des indications et l'a fait en anglais (l'allemand est sa langue maternelle, en passant), juste pour pouvoir se moquer de l'anglais très sommaire du monsieur qui l'a aidé. Voyant la générosité de l'homme qui l'a conduit jusqu'au pas de ma porte alors qu'il ne vivait même pas dans les environs, il s'est racheté, en bon suisse qu'il est, en lui donnant 10 euros. :P

  • Les petits chiens (en fait, pas qu'il n'aime pas, il a "peur" des petits chiens, sauf de Stradi, évidemment.)
Le problème est que certains connaissent déjà Wouschi, le chien de mes propriétaires... bête ignoble et immonde pour laquelle je me réveille la nuit, simplement dans le but de le détester. Petit rappel: Wouschi est laid, poilu, gris et blanc. Il ressemble étrangement à ma brand new moppe, mais juste après l'avoir utilisé et essoré dans de l'eau grise et sale. Il jappe sans arrêt à toute heure du jour et de la nuit. Il déteste tout ce qui passe l'entrée principale, moi encore plus depuis que je lui ai donné une tape sur le nez (wooo SPCA, c'est arrivé une fois) Markus, 6'4, 230 livres (approximation), était ma foi terrorisé.

  • Mes ustensiles de cuisine (rappelons qu'il est suisse, et qu'en plus il est chef. huhum)
Il fait les meilleures omelettes de l'histoire de l'humanité, pour la simple et bonne raison que même moi qui n'a jamais aimé les omelettes, j'accepte d'en manger. Il a voulu mourir devant la piètre qualité de mes ustensiles de cuisine mais, voyant l'enthousiasme avec laquelle je le suppliais de me faire un de ces chefs d'oeuvre, il s'est exécuté. Évidemment, il s'est promis d'apporter ses propres couteaux et poêles la prochaine fois qu'il viendrait à Miltenberg, pour ma fête en mai.


Ce que Markus aime:

  • Le Canada
Ma citoyenneté semblent clancher sa haine pour l'Allemagne et je m'en réjouis, surtout quand je le vois immanquablement se pointer avec son chandail écrit "Canada" en immenses lettres blanches sur fond rouge. Markus était, avant même les JO de Vancouver, le plus Canadian de tous les Suisses.

  • Cuisiner pour moi et manger au resto
Je n'ai rien demandé, voyez-vous, mais ma présence évoque chez lui une irrésistible envie de manger des fruits de mer... Ce qui n'est pas évident à trouver en plein centre de l'Allemagne, donc à la limite du continent européen. Qu'à cela ne tienne, il s'est appliqué à trouver le meilleur restaurant de fruits de mer de Francfort (ville où ma foi moi-même je ne vais jamais) où nous avons mangé comme des rois. Ainsi donc, quelques part entre Miltenberg et Frankfurt, en Allemagne, on pouvait voir filer dans une voiture tchèque une Canadienne et un Suisse, se dandinant sur de la musique suédoise dont vous avez un exemple sur ce blogue. Nous avons visité la ville (qui est finalement beaucoup moins ennuyeuse que je me plaisais à l'affirmer), longé le Main, la rivière qui traverse aussi Miltenberg et nous avons eu une journée absolument parfaite, fidèles à notre habitude et, qui plus est, sans un seul avion dans le ciel (un apprenti pilote remarque ce genre de détail, pas moi!)

  • Moi (et c'est partagé)
Notre amitié a eu raison de Wouschi avec qui il a accepté de vivre sous le même toit pendant deux jours, malgré que sa présence l'ait hanté chaque fois qu'il devait sortir dehors. Voyant son angoisse devant Wouschi, j'ai abandonné l'idée de lui demander de chasser ma souris. Petite mise à jour: à défaut de la tuer, je l'ai rendue propre. Aucun caca cette nuit! Bravo Charlie!

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La présence de mon ami tombait à point cette fois encore, alors que m'était annoncée par un courriel de ma mère une autre triste nouvelle.

Pas que j'aie envie de la raconter sur mon blog et de rendre public le chagrin de ma famille.

Cependant, parce que je sais qu'ils me lisent, ceci s'adresse à vous:

Malgré la distance, malgré l'apparente absence par laquelle je "brillerai" lors de cette journée du 21 avril 2010 alors que toute la famille sera réunie, malgré la tristesse et le sentiment d'impuissance qui nous lient devant une telle fatalité, je serai avec vous en pensée, maintenant, mercredi et jusqu'à mon retour.

Crois-tu que la vie soit un passage d'une mort à l'autre? Faut-il vraiment transiter par tant de morts pour arriver à vivre?
- Fernand Ouellette


jeudi 15 avril 2010

Un 'tit vent d'fraîcheur


Comme je suis dans un moment de ménage du printemps, je me suis dit que le blogue, grandiose (on se donne de l'importance non?) témoin de mes aventures autour du monde, devait lui aussi faire peau neuve.

La photo de profil, le design (pas trop trop de mérite sur celui-ci quand même).. j'ai même ajouté des adresses de blogues publics qui peuvent vous intéresser. (c'est la partie pub)

Les soubresauts: le blogue d'un copain en littérature qui est ma foi de plus en plus drôle.
Tergiversations autour du monde: celui d'un autre voyageur, mon futur mari (je vous dis ça tout à fait accessoirement afin que vous ne soyez pas surpris par les faire-part), avec qui je m'efforcerai de combattre avidement la loi de Murphy à mon retour au Québec. Il croisera ma route (ou plutôt mon sur-place) à Miltenberg au début du mois de mai. Il est présentement quelque part à Montréal, à l'aéroport ou pas loin, et il attend sûrement plus qu'impatiemment de s'envoler pour l'Égypte!

Ce froid si spécial des matins de voyage
l'angoisse du départ,
cette chair de poule qui part du coeur pour atteindre la peau,
qui pleure virtuellement malgré la joie.
- F.P. (allez vous finir par la savoir par coeur cette citation??)

... j'entends Charlie qui piétine. Ce soir j'vas l'avoir.

Homicide volontaire


Salut. Je m'appelle Charlie die Maus.

Je vis en colocation avec une jeune femme qui a tenté de m'assassiner hier soir. Ceci est une histoire vraie comme je suis là.

Moi je fais ma vie tranquille, vous savez, l'ordinaire... je piétine, je bouffe, je chie. Tout ce qu'il y a de plus normal. Pendant les deux dernières semaines, je faisais une vie de pacha: j'avais du spaguetti intégral à profusion, je mangeais du chocolat à l'orange pour dessert, j'avais des pommes de terre qui attendaient là... et puis un jour plus rien. Pour protester, je suis devenu incontinent, et ah la bouffe est revenue la nuit suivante...! Dans un plateau d'argent plus gros que moi m'attendait... de la FA-RI-NE. MMmmm... Mais oh! Elle a un goût bizarre la farine!! (N.D.L.R: ben oui j'avais mélangé du plâtre avec!) Oh!! On tente de m'empoisonner!! Je le savais!!

Nanooou! Moi qui pensait qu'après ton chien pendant toute ta vie et ton pigeon (dégueulasse!) cet été, tu avais besoin de la douce compagnie d'un animal domestique!!

NOOOON.

N.D.L.R: Aucune trace de Charlie, ni de ses compatriotes, s'il en est. Je n'ai aucune preuve de mon meurtre. Au pire, je recommence et elle va s'affaiblir ou se constiper, c'est selon.


vendredi 9 avril 2010

Como culo y mierda*

L'Allemagne ça sent la Bratwurst et c'est parsemé de têtes blondes.

L'Espagne, ça sent la mer et les gens sont de vraies cartes de mode.

Moi, j'arrivais la tête pleine de questionnements et de problèmes fictifs comme on aime parfois s'en faire pour passer le temps, et puis voilà, il y a la mer, il y a Jade, puis Carla, il y a le vin, la bière pas buvable, le vice, la musique, Sexy Bitch (chooou! :(( ), les hommes trop pas allemands qui insistent et qui m'énervent, la mer, les filles trop espagnoles qui vous incluent dans leurs histoires farfelues de mecs ("que cabron!") et de filles-ennemies ("que zorra!!") qui deviennent mes ennemies, l'accent et les expressions qui vous font mourir de rire, des souvenirs trop lointains qui me reviennent en mémoire de l'Argentine, les rochers, les heures interminables à trouver les yeux de la mer et à relire dans ma tête Alessandro Barricco à basse voix, il y a le sable qui entre dans les souliers et le coucher de soleil qui déchire le ciel, immanquablement lorsque le jour s'épuise.

Il y a l'horaire-qui-tue: levée10h/dîner15h/souper23h/sortie/rentrée6hdumatapresunhamburger. Le jamon ibérico, le bonito, le lunch sur la plage et les gens qui courent sur le rivage; il y a le vent, la chaleur du soleil et le souffle glacé de l'ombre. Il y a Carla, avec sa voix profonde et son sens de l'humour bien à elle, ses cheveux dressés sur la tête et ses yeux cerclés de noirs, elle vous fait rire sans le vouloir, vous désespérera par son absence de notion du temps, elle vous curera de tous ces doutes qui assombrissent le regard.... ce qu'elle peut être belle la vie quand Carla a un fou rire! Il y a Jade, imprégnée par la grande ville et par son style de vie marginal, par sa manie d'être... elle, envers et contre tous, toutes ses phrases commençant en espagnol et terminant en anglais ou en français ou les deux, Canadienne-anglaise de mon coeur, réunion des trois solitudes dans la Barcelone de Gaudi, le trio devant un bocadillo, on délire, lescabronsonlesemmerdetous, l'amitié entre filles ça me manquait, l'absence de tension ou d'attentes d'un côté ou de l'autre, on est ensemble et on rit. C'est ça. Quand se retrouverons-nous de nouveau....? Et où? Sais pas. Ce que je sais, c'est que j'ai passé deux semaines parfaites avec ces deux filles, como culo y mierda, que je parle maintenant hispano-allemand de retour à Miltenberg et qu'elles me manquent.... irrésistiblement.




* Expression tout-à-fait appétissante (fiez-vous à votre intuition linguistique pour la traduction mot pour mot...!) qui veut dire "comme les deux doigts de la main".