Un ami m'avait dit un jour dans un élan de "critiques" (j'appelle cela "critique", positive ou négative, bon ça dépend du point de vue) que je vivais ma vie par chapitres. Que j'étais une fille de débuts et de fins perpétuels, comme si l'idée de continuité était absolument incompatible avec ma personnalité ou mes objectifs de vie... Pas tort le Nico.
Je réfléchis beaucoup à ces mots d'esprit depuis quelques temps. Mes amis me demandent quand je reviens. Mes collègues me demandent quand je pars. Mes parents se préparent à faire leur valise en vue de parcourir la Bavière à dos de DB. C'est le début de l'été, les journées sont longues et j'ai transféré mon salon/salle à manger sur le balcon. Je fais mon nid. C'est une véritable serre l'après-midi! Je fais le point. Je pense au retour. Maintenant qu'il est imminent, mon mal du pays du départ semble devenir un mal du retour, comme si ma vie ici me satisfaisait vraiment finalement et que l'éventualité de tout devoir recommencer me foutait la trouille.
Kundera encore une fois posera les mots exacts sur mes incertitudes en parlant du lien existant entre nostalgie et ignorance.
"The Greek word for return is nostos. Algos means "suffering". So nostalgia is the suffering caused by an unappeased yearning to return. (...) Often it means only the sadness caused by the impossibility of returning to one's country: a longing for country, for home. What in English is called "homesickness". Or in german "Heimweh". In Dutch: "heimwee". (...) In Spanish "añoranza" comes from the verb "añorar" (to feel nostalgia) which comes from the catalan "enyorar", itself derived from the Latin word "ignorare" (to be unaware of, not know, not experience; to lack or miss). In that etymological light nostalgia seems something like the pain of ignorance, of not knowing. You are far away, and I don't know what has become of you. My country is far away, and I don't know what is happening there."
Ce rapprochement entre l'ignorance et le mal du pays me plaît. C'est justement de l'ignorance, ne pas savoir, dans ce cas, ce qui m'attend au retour. Ce thème du retour après une longue absence a souvent été abordé dans la littérature... rappelez-vous aussi de la chanson Volver, ce tango de Carlos Gardel dont j'avais publié les paroles ici-même:
Je devine le clignement
des lumières qui au loin
vont jalonnant mon retour;
ce sont les mêmes qui éclairaient
de ses pâles reflets
les heures profondes de la douleur.
Et malgré moi de retour,
au premier amour on revient toujours.
La calme rue où l'écho t'a dit:
"à toi sa vie, à toi sa dévotion"
sous le regard moqueur des étoiles
qui impassibles me voient revenir.
J'ignore où je veux en venir. Je veux parler du retour, simplement. Pour mieux comprendre ce sentiment si étrange qui nous accompagne sur le chemin de la Maison... Peur, extase. Douleur, joie. Un sentiment de perte de ce qui est laissé derrière mêlé à l'enthousiasme de retrouver les nôtres. Oui, l'idée de perte est mêlée à celle des retrouvailles. Les retrouvailles seront sublimes, évidemment. Alfred de Musset a dit: Le retour fait aimer l'adieu. Toutefois, après un temps, la vie reprend son bonhomme de chemin et vous aussi devez avancer et retrouver vos repères. Il faut se créer d'autres souvenirs, parce qu'avoir deux vies parallèles à 10 000 km de distance, c'est impossible.
Pour vous dire quoi, mes amis? Eh bien, rien. Que la vie continue. Que mon séjour allemand tire à sa fin. Que j'anticipe un peu. Que je me sens ici complètement déconnectée du monde et que m'y reconnecter me fait peur. Que je sais que mes amis assistants vivront la même chose que moi et puis bon... je sais que certains me lisent et j'espère qu'on se retrouvera quelque part tous ensemble pour se créer une petite bulle d'Allemagne le temps d'une soirée, comme si l'Allemagne était une secte, l'allemand un code secret, et qu'il fallait faire partie des initiés pour savoir. Pff. C'est super snob cette façon de pensée, mais en quelque part au fond de moi, ça me fait du bien.
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Petit update: Charlie est immortelle. Elle a trouvé elle-même un poison que le propriétaire m'a donné et que je refusais de lui donner maintenant vu que c'est super chimique et elle s'en nourrit depuis une semaine. C'est une super souris ninja turtles!