dimanche 31 janvier 2010

On the road

Merci pour les commentaires gentils du dernier post. Ça a fait du bien de vous lire.

Bien entendu, je revendique le droit d'être triste.
Je parle pour la semaine dernière. Un moment de tristesse comme celui-là m'amène à écrire davantage. Ces semaines de janvier que je qualifierais de "désert intellectuel", se réjouissent donc de ces soudaines illuminations, car elles sont infailliblement suivies de choix à faire.

Heimweh? Eh bien ce mal du pays m'a poussé à envisager pour la première fois concrètement les options qui s'offrent à moi, à 4 mois et demi de mon retour.
Hors de question de rester en Allemagne. Hors de question de rester en Europe.
Jonglé avec l'idée du Mexique... mais pas très longtemps.
Québec, surtout pas. Montréal... oui. J'ai envie d'aller voir là-bas si j'y suis, et surtout de revoir mon monde.
Puis, un petit tour sur internet m'a permis de dénicher ZE programme parfaitement adapté pour moi en enseignement du français, langue seconde. 15 crédits de 2e cycle, et voilà.
Restera l'inscription à faire, et trouver un job pour cet été.


..... eet là je mets la main sur ce "Into the wild" qui a dû m'être conseillé 354 fois par 354 personnes différentes (sûrement tous mes amis facebook) depuis sa sortie.
Eeeeet ensuite, je réfléchis à ce concept de liberté, mot qui mériterait au moins 6 pages complètes de dictionnaire pour être défini adéquatement... Les projets de retour, la vie qui revient, la routine... Vraiment? La liberté...? Le bonheur...?

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Le "bonheur". Un mot qui m'avait paru si abstrait là-bas, dans l'autre hémisphère. Me lever, manger, sortir, re-manger, admirer le coucher de soleil par-delà les collines désertiques, deux solitudes se rencontrent puis se laissent, puis deux autres, se laissent, puis deux autres... rien à perdre.

Pour les mauvaises langues qui croient que j'ai mis ce voyage sur un piédestal, je ne vous donne pas tort, au contraire. "Te cambia la cabeza", m'avait-on dit, et pour tout dire, ce voyage-là de presque 6 mois, je m'en remets encore. Ce qui me fait réfléchir dans le récit du jeune homme au Yukon qui mange des baies et s'empoisonne avec, ce n'est pas tant l'aventure... la vie en est juchée, d'aventures et de mésaventures dont on doit se sortir tout seul, en ville ou en Alaska. Ce sont plutôt les rencontres qu'il fait sur la route qui ont attiré mon attention. La totale ouverture à l'étranger, à un mode de vie inconnu, le goût du risque, d'apprendre.

Les gens que j'ai choisi d'aimer, au sens large, sont le ciment de ma vie. Évidemment ils m'inspirent, chacun à leur façon. Mais des rencontres particulièrement inspirantes, j'en ai fait là-bas plus que jamais. Certaines paroles me reviennent de vez en cuando, quand j'ai l'impression que je ne vais nulle part. Ces visages anonymes me ramènent, comme de petites boussoles qui indiquent toujours le bon chemin... Cette femme de mon âge en Bolivie qui m'avait raconté qu'elle avait eu son premier fils à 15 ans. Cet homme qui recevait sans relâche des inconnus dans sa maison, pour le simple plaisir de voyager sans quitter son nid... Cet autre qui vivait au bout du continent et qui rêvait de parcourir seul toute l'Amérique du sud avec sa vieille Renaud.

"Hay que seguir adelante", il faut continuer. Il me l'avait dit, le plus bel Argentin du monde qui, même dans ses moments les plus insupportables, a été l'être le plus inspirant.

Une rencontre absolument improbable. Une fille perdue dans une ville inconnue après une nuit passée dans un bus, un jeune homme qui décide de prendre un chemin différent vers la maison après une fête qui s'est étiré jusqu'aux petites heures... Il lui offre son aide, la fille a les yeux très bleus, comme il n'en voit jamais dans ce pays, et il décide de poursuivre son chemin avec elle. Par la suite, une partie d'elle-même refusera toujours de le quitter.
Un jour, il parlera d'elle à un barman avec qui il vient de sympathiser. Il lui dit: "Elle essaie tout, elle fait tout, elle est courageuse, et elle parcoure le monde... mais elle revient toujours."

Au fin fond de ses yeux parfaitement noirs, je reconnaissais en lui l'être à la fois le plus éloigné et le plus près de moi sur la planète.

Cette histoire aura finalement donné sa raison d'être à l'ensemble de mes voyages, y compris à ma présence ici en Allemagne. Chaque fois que je vis un moment de doute, donc de grande inspiration (ça a été le cas en Turquie cet été), c'est lui qui apparaît comme cette option que je refuse de considérer, comme une 2e maison, un deuxième Québec, à l'autre bout du monde.

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Pour ceux qui seraient tentés de me rabâcher les oreilles avec les typiques "retourne le vooooir", "c'est peut-être l'homme de ta viiiiiiie", "voyons lâche tout et vas-yyyyyyyy", je répondrai que : la vie n'est pas un film d'amour américain cheap. Qu'il ne suffit pas de crier au meurtre, de faire arrêter l'avion et d'en descendre en courant avant de se garrocher dans les bras de l'amour et de fonder une famille et avoir beaucoup d'enfants. Qui a dit que c'était l'Amour, mon âme soeur, ou ce genre de conneries tiré de la chick-lit? Présentement, c'est comme mon étoile polaire, inaccessible, mais qui est toujours là quand j'en ai besoin.

Y retourner? Il l'a dit: "elle revient toujours".

Alors quand? Moi je répondrai: "Sûrement trop tard."

lundi 25 janvier 2010

Couleur café

Quelque part dans un désert surréaliste, il y a 1 an et 3 mois, un homme et une jeune femme ne peuvent se résoudre à se quitter comme ça, alors qu'ils ont veillé l'un sur l'autre pendant plusieurs semaines. Promesse de se revoir, sanglot dans la voix. Les mots s'envolent comme toutes ces paroles de voyage qu'on oubliera, la vie leur étant bien indifférente, et on se lâche la main. Et on ne se retourne pas.

C'est fait.
Il était la raison qui justifiait ma présence ici, il était alors indispensable que je le revois, quelque part au fond des montagnes, là où l'hiver est magique, baigné de lumière, du bleu du ciel, d'air pur. Me remettre au végétarisme le temps de me refaire une santé, prendre un bain de soleil - on oublie parfois qu'il existe dans la grisaille de Miltenberg, derrière l'épais écran de nuages gris - et puis profiter de la présence de celui qui a été, et de loin, mon meilleur compagnon (inconnu) de route (au sens propre) jusqu'à présent.

Les heures passent. Les adieux font moins mal qu'autrefois.

Puis, rendez-vous manqué dans cette ville qui multiplie les promesses et qui ne les tient pas. Du temps, trop de temps pour jongler avec les possibles.

Quand on a un but, ce n'est jamais la finalité qui nous motive, mais bien le chemin que l'on emprunte pour l'atteindre. Cette fois encore, un but atteint...... et puis maintenant quoi? Amertume. Lourdeur de janvier qui s'écrase sur les épaules. Mal du pays.

Mes yeux se gorgent d'eau, voyageant du téléphone qui pourrait détourner mon attention, au Moleskine qui se remplit d'idées éparses. Les gares et les aéroports, bondés du matin au soir, sont les lieux les plus saturés en émotions, de la tristesse des adieux et de l'enthousiasme des départs. Chaque personne a sa raison d'être assis ici, dans ce café où les serveurs vous font des blagues en allemand qui, aujourd'hui, ne font pas rire: le mouvement, les affaires, l'argent, l'amour, l'amitié.
Téléphone silencieux. Le temps avance. Rendez-vous manqué qui, je le décide, sera le dernier. Cat Power chante sur un air de piano régulier et triste... et un café-cadeau Macchiato vient se poser devant moi, me rappelant que quelqu'un a remarqué cette fille seule essuyant ces larmes qui coulent sans retenue, son sac tout près d'elle. Il doit penser qu'elle attend un amour qui ne viendra pas.

Le serveur fait des blagues en allemand que je ne ris pas. Il ne comprendra jamais qu'à l'instant même, j'attendais plutôt un train Munich-Québec qui ne viendrait pas.

lundi 18 janvier 2010

München da'Sonbahar






Mes projets pour la fin de semaine ont changé très à la dernière minute, apprenant avec grande tristesse que mon Markus adoré, malgré sa musculature de hockeyeur et son énergie hivernale sans précédant, fut terrassé et mis en quarantaine par la très fameuse "SCHWEINGRIPPE" (prononcer ces mots comme une narration de film d'horreur) ou Grippe A, plus simplement. Évidemment, mauvaise idée pour moi de me risquer à l'attraper, étant donné que je vis dans le seul pays du monde qui se croit invincible et à l'abri, et que personne ne me dit comment la vaccination fonctionne, vu que leur réponse est "NEINIEINNEIN, ça sert à rien le vaccin!"

Ça a beau servir à rien, ça t'évite une quarantaine d'une dizaine de jours. Passons.

Adorant mon bled mais étant complètement blasée de m'y trouver depuis une dizaine de jours, j'ai décidé d'aller voir à Munich si j'y suis, ville avec laquelle j'entretiens toujours, après vérification, un rapport amour-haine troublant. Ce que j'aime de cette ville, je l'adore, je ne saurais m'en passer. Ce que je déteste par contre, je le hais profondément, et ça me saute au visage dès que j'y mets les pieds. C'est très épuisant d'aimer et de détester autant, surtout une ville, parce qu'au fond, elle se fout bien de nos opinions, n'est-ce pas? L'Isar va continuer de couler, les gens vont continuer à te saluer à coup de "Grüss Gott", et toi, tu vas continuer à y aller, comme aux prises avec une dépendance malsaine.

C'est qu'en fait, si j'étais une artiste, Munich serait définitivement l'endroit où je devrais vivre, au nom de mon art. Cette ville m'inspire, tant pour l'écriture que pour ma carrière de photographe qui est ma foi presque lancée (je blague). Elle me plonge dans un état de sursensibilité à tout, me rend profondément heureuse et malheureuse, en alternance ou simultanément si c'est possible. Je me mets alors à vouloir parler d'elle, à repasser certains merveilleux souvenirs avec nostalgie, à détester la froideur des uns, l'hypocrisie des autres. Les Munichois sont, vérification faite, loin des Sud-Américains et même des ruraux bavarois qui, malgré certains écarts comme la très sexiste émission Bauer sucht Frau sur RTL, restent somme toute amicaux.... cliché, me direz-vous. Non, plutôt incompatibilité. Certains se plaisent tout à fait dans ce contexte...!

Alors voilà, les highlights de cette belle fin de semaine: la course à l'entrée sur le site du Red bull Crashed Ice au parc olympique, pcq comme les Allemands aiment bien tout contrôler, un nombre limité de personnes pouvaient se joindre à l'événement! Charmant! Comme mon hôte (Christian, je vous l'ai présenté? Je vais le baptiser, pour éviter la confusion, "l'Allemand") et moi-même n'abandonnons pas si facilement, nous avons trouvé "la meilleure place hors site". Aussi, une longue promenade en solitaire à prendre les photos que vous avez vues plus haut, qui m'a inspiré le titre très turc "München da'Sonbahar" (Munich en hiver) et qui s'est terminé devant un thé chaï dans mon petit café préféré du Glockenbachviertel, un livre à la main. Finalement, dimanche, j'ai pu retrouver le plaisir du brunch dominical avec mon incorrigible Antoine, ivre d'enthousiasme et de plans pour notre vieillesse commune (nous avons décidé, par exemple, qu'il serait le père de mes enfants et que nous coulerions des jours heureux à Valparaiso au Chili).
Nanou et ses hommes... qui avait sorti cette phrase? :)

J'ai eu un bel exemple de rivalité féminine mal placée samedi soir, rien pour m'aider à changer mes tendances!

Sinon, je commence à avoir un horaire très chargée de fille qui passe en moyenne 4 jours par semaine à Miltenberg. Je me consacre corps et âme à l'enseignement du français et à l'apprentissage de l'allemand, à coup de tandems hors-Gymnasium, ce qui m'occupe beaucoup. J'arrive enfin à réduire ma dépendance à MTV au profit d'un apprentissage plus concret et moins "Umgangssprache" (langage familier), doublé de grammaire le lundi soir dans mon cours pour immigrants russes. Nächste Wochenende: Innsbruck.


samedi 9 janvier 2010

Das Schweigen (o acostumbrarse al silencio)

* Chasing Cars, Snow Patrols


Avant de passer aux choses sérieuses, un petit constat.

  • L'Allemand de 2010 (et la Québécoise aussi, par le fait même, vu sa palpitante vie sociale dans son adorable patelin) regarde(nt) la télé RTL. Son beau programme préféré?
Bauer sucht Frau.

Plusieurs histoires de fermiers bavarois qui se cherchent des femmes. Ils leur font faire des tours de tracteur pour les impressionner, les appellent "baby" alors qu'ils viennent de les rencontrer, les futures caquètent comme des poules de tant d'attention à leur égard. En dehors de toutes ces belles attentions envers la gent féminine, on voit mesdames derrière leurs casseroles en robe bavaroise, préparer un bon repas pour leur fermier bedonnant. À leur mariage, elles les remercient (ouioui je niaise pas!!) de les avoir pris! Ces femmes ont un petit teint basané qui jure un peu avec l'absence de mer qui caractérise ce beau pays... on apprend qu'elles ont été choisies par leur fermier précisément pour l'exotisme de leur origine... l'Asie. La commentatrice déclare, sans aucune gêne et aucun ton critique, que les Bavarois sont nombreux à aller se chercher une petite femme asiatique, parce qu'elles sont, et je ciiiiite "plus dociles" et qu'"elles veulent faire plaisir à leur mari."

C'est beau la cause des droits des femmes, non?


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Je voudrais avertir mon lectorat (aaah la joie d'utiliser des mots savants!) que je me trouve présentement dans un blanc d'inspiration, en plein "silence cognitif". Pas que je ne vive plus d'aventures... non en fait, j'ai tout pleins de projets pour les prochaines semaines: aller chez Markus en Suisse, chez Mani en Autriche, chez Paul en Angleterre, carnaval de Cologne, Ukraine, petite escapade dans la fameuse Forêt noire... en fait, je n'ai pas une seule fin de semaine à Miltenberg jusqu'au mois de mars. Dans quelques jours, j'aurai complété mon sixième mois en terre européenne, et c'est donc mon absence la plus prolongée. J'ignore si ça a un lien. Ce qui a un lien peut-être, c'est que c'est plus tranquille côté "rencontres inspirantes" vu que je vais revoir et revisiter des amis rencontrés lors d'autres voyages... Je retournerai dans certaines villes, et c'est une expérience particulière en soi... voir une ville pour la 2e fois, c'est comme rentrer chez soi, partout, nulle part. Je suis même en train de me laisser convaincre d'aller de nouveau à Munich... je fais la paix avec les émotions fortes de 2009, peut-être. :) Tant mieux.

Sinon, je pensais me sauver de l'hiver québécois et c'est peine perdu. L'hiver 2009-2010, c'est pour l'Europe l'hiver québécois envoyé comme un cadeau du ciel sous forme de neige, de vent et de grand froid. Sauf qu'en prime, aucune journée de soleil en perspective. Fait pas assez froid pour ça. Soit. J'ai donné à cet hiver une date limite: le 25 mars, date de début du congé de Pâques, que je passerai dans le nord de l'Espagne (je me gâte, je veux récupérer dans mon cerveau le peu d'espagnol qu'il me reste). Je me trouve généreuse et réaliste envers Mère Nature.
Le retour au travail est un peu pénible pour les élèves, vu mon manque d'inspiration qui se manifeste dans toutes les sphères de ma vie (mais vu que je travaille 12h par semaine je m'en plains pas trop), de même que le retour à l'allemand. Je commence à trouver une certaine poésie à cette langue... et même à trouver à certains Allemands du sex-appeal quand ils commencent à parler! Mes jeunes qui apprennent le français ne semble pas trouver leur langue maternelle bien mélodieuse... et pourtant. Je trouve que ces "hhhhh" et ces "chhh" et ces "aïeïoÏ" sont bien mignons dans la bouche d'une personne qui les maîtrisent... changement de cap!

Ça me rappelle ce qu'un Allemand, rencontré à Vienne il y a 3 ans, m'avait dit concernant l'apprentissage d'une langue étrangère: "c'est comme se faire révéler un code secret... au début on ne comprend rien, puis tranquillement, le message devient compréhensible..." Il faut dire qu'il savait de quoi il parlait: trois ans auparavant, il avait rencontré en Espagne une jolie femme de l'Argentine. Il ne parlait pas espagnol, elle ne parlait ni anglais, ni allemand... trois ans plus tard, ils étaient toujours ensemble! Ils avaient dû prendre leur mal en patience, trouver d'autres façons de communiquer... Au fur et à mesure où Monsieur apprenait l'espagnol, ils ont pu avoir graduellement accès à l'usage de la parole!

J'adore cette histoire, pas seulement parce que je me suis retrouvée presque exactement dans la même situation avec, aussi, un Argentin (je parlais quand même un peu espagnol au préalable!). En fait, j'adore cette histoire parce que nous nous trouvons à une époque où l'on pense qu'il suffit de raconter sa vie pour que les gens nous connaissent, qu'il suffit d'avoir quelque chose à se dire pour que naisse une complicité... et on finit par fuir le silence par peur d'un malaise. Ironiquement, étudier d'autres langues sur le terrain m'aura permis, en plus d'avoir un autre outil de communication, d'apprivoiser le silence.