Il est 8h, ça roucoule dans ma fenêtre.
Un petit couple qui protège son petit oeuf. La vie est dure pour ces êtres ingrats... la compétition masculine, les prédateurs, les hommes... Je déteste les pigeons, je les trouve franchement dégueulasses, mais quelque chose m'émeut quand je vois le futur papa, installé sur le balcon, qui protège soigneusement cette petite vie nichée sous ses plumes. Il vous regarde du coin de l'oeil dès qu'on ouvre la porte... "approche pas salopard". C'est petit et ça veut vivre.
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Nous sommes dans la capitale bavaroise, hôte des tristement célèbres JO de 1972 et ville inexorablement associée au défunt dictateur d'origine autrichienne qui me vaut désormais des milliards de questions hors-contexte dans chaque cours que j'ai pu donner sur l'histoire contemporaine.
C'est ça la première idée qui me venait en tête avant de venir ici. Ça, et le souvenir d'un Noël où mon père avait fait un "bavarois au brandy" et que j'avais explosé en sanglots lorsqu'on m'en avait servi une part : "Je VEUX PAS ÊTRE SAOULLEEE". Ben oui, c'est sûr que si mes parents avaient eu une chance de me saouler à 4 ans, ils l'auraient fait. C'est beau la confiance.
Bon signe, je commence à me défaire de cette image sommaire au parfum de bonbon/tyran pour intégrer Munich à ma vie quotidienne... Un petit quartier qui ressemble au quartier St-Jean-Baptiste où la plupart des mecs ne jouent pas dans ma ligue. "Ils sont où les mecs les plus canons de Munich?? ICI!! Ils sont où les mecs les moins masculins?? ICI!!" ;-) Une boulangerie au détour d'une rue, un circuit longeant la rivière pour le jogging du matin, un arbre dont l'ombre couvre ma lecture à une certaine heure de l'après-midi, un café où j'aime penser qu'une certaine table m'attend et guette ma place en mon absence. On cherche à fuir la routine mais n'en avoir aucune est simplement insoutenable. On aime que les gens nous reconnaissent, et encore plus quand on est loin de chez soi. On aime qu'ils notent notre différence.
Et la différence, malgré la plus grande ouverture d'esprit du monde, ce qu'elle peut être difficile à intégrer!! Langue, culture, notion du temps et de la proximité. La langue, la gastronomie locale, on s'attend à ce que ce soit différent... mais parlons-en, de la proximité! La distance de mon bras et de ton bras, joint par nos mains qui se serrent. La distance de "ne t'approche pas trop, ici c'est chez moi". C'est un contraste marqué avec les nombreux Sud-Américains que j'ai rencontré dans les dernières années et qui accueillent à bras ouverts tout inconnu sur leur passage. "que boludo!! Che! Hijo de puta!! jajaja!!" La galanterie argentine dans toute sa splendeur!
En discutant avec une Allemande, j'ai constaté que dans aucun des cas la profondeur de la relation à venir ne peut être évaluée. Elle me disait qu'un Allemand est plus froid au début mais est extrêmement loyal en amitié, tandis qu'un latino te parle comme si tu étais son meilleur ami mais se rappelle à peine de ton nom le lendemain... mais sont-ils moins loyaux?
Que ces stéréotypes soient confirmés ou pas, qu'ils soient plus ou moins loyaux envers les gens qu'ils estiment, c'est relatif d'un individu à l'autre. Toutefois, cette notion de distance/proximité propre à une culture me semble bien incrustée dans l'inconscient collectif. C'est comme un grand groupe d'individus qui ne se connaissent pas mais qui vont tous dans la même direction, par réflexe, qui reculent lorsqu'on s'approche pour les embrasser en guise de salutations, qui ricanent un peu de façon à communiquer leur malaise, et qui te pressent de leur regard de ne plus jamais refaire ça..! et bon je suis peut-être un peu sadique mais j'aime bien les provoquer en leur collant tout de même une bise sur la joue lorsque je pars. Si j'avais un peu plus de culot, je me ferais l'ambassadrice des free hugs en Allemagne, mouvement né en Australie dans un centre commercial pour lutter contre l'anonymat et la solitude.
Et je sais que, passée la gêne, tous apprécient un peu de chaleur humaine.
Ça, c'est universel.